Seul

Sélénius et Peter l'avait abandonné au parc... Mais il s'était tout de même bien amusé avec les grenouilles. Pour tout dire, il avait même donner un bisou à la plus visqueuse, celle dont la couleur jaune aurait repoussé n'importe qui. Excepté Narcisse, bien entendu.
Le froid s'était finalement emparé de lui, toujours trempé, et c'est grelotant de froid qu'il entra dans le dortoir déserté.

Mais où sont-ils encore passés ?
Après tout, ça n'était pas si mal, il pouvait en profiter pour se changer et revêtir son pygama en satin... Mauve. Il entreprit ensuite de vider son énorme valise mais abandonan bien vite cette idée quand il vit la place que lui avait laissé ses compagnons de chambre; c'est à dire moins de 10 cm carré. Il leva les yeux au ciel, amusé, pas le moins du monde agacé, et fourra à coups de pied (il se fit d'ailleurs très mal aux orteils) sa valise, ouverte, en dessous du lit.

Enfin, il se jeta sur son lit défait et rebondit deux ou trois fois avant de se glisser sous la couverture, une barre de chocolat entre les dents.

Sélénius entra dans son dortoir, en pleure…

Il s’assit sur son lit et remarqua que Narcisse était là également. Sélénius prit sa tête dans ses mains, exagérant un peu ses sanglots.

« Puisque je ne peux pas être ami avec Peter, on va devoir passer à la phase deux… »

Sélénius expliqua à Narcisse ce qui venait de se passer à la bibliothèque en long et en large, brodant le « récit » de temps en temps.

« Je vais monter ce nain violet contre Peter ! Ce serpent à lunettes ne devrait pas me sous-estimer… »

Sautant sur l'occasion, Narcisse bondit de son lit et alla envahir celui de Sélénius sur lequel il s'assit (le lit, pas Sélénius xD). Il lui proposa tout bas un morceau de chocolat et écouta avec attention son récit, les larmes ayant gagné ses grands yeux roses déjà embués. Il tapotta maladroitement l'épaule de Sélénius et tenta de le réconforter:
-Je suis sûr qu'il n'a pas voulu te faire mal, il est un peu maladroit... On dirait qu'il n'a pas l'habitude des humains.

Il croqua son dernier morceau de chocolat en enveloppant le "pauvre" Sélénius d'un regard bienveillant.
-Mais, tu sais, tu peux me dire tout, je garderai tes secrets...Et puis mange ton chocolat, ça fait du bien pour le moral, conseilla t'il, souriant faiblement car il était très ému par le récit.

Peter rentra dans la pièce, sachant très bien qui il y trouverait. Il ne fut pas étonné de constater que ses déductions étaient tout à fait justes.

Le petit garçon aux cheveux mauves était en train de consoler le triste Sélénius.

On continue de faire son hypocrite ? Très bien, alors moi je vais faire mon salaud.

- Tiens, comme on se retrouve, lança Peter.

Il enfila rapidement son pyjama noir puis se laissa paresseusement tomber sur son lit. Ensuite, il tira son matériel d'écriture de son sac.

A l'arrivée de Peter, Narcisse releva son petit minois et tenta de sourire. Il était malgré tout influencé par Sélénius et son histoire... Mais il appréciait beaucoup Peter et ses petits mystères. Cependant, celui-ci n'avait pas vraiment l'air de regretter.

Nana baissa vite les yeux en rougissant quand Peter enfila son pyjama, il ne les releva que quand il entendit la tirette de son plumier.
Il allait sûrement écrire son journal intime, Narcisse l'avait vu faire la veille. Il était bien curieux de connaitre les justes pensées de Peter, mais se tut.

Il se leva du lit et, tendant une barre de chocolat noir à Peter, il la lui proposa gentiment, comme si le simple fait qu'il accepterait de la manger ferait qu'il soit excusé de sa conduite avec Sélénius. Il jeta un coup d'oeil furtif à la couverture du carnet que tenait le jeune homme aux lunettes et vit qu'elle n'avait rien d'extraordinaire.
-Tu fais quoi ?

Refusant le chocolat d'un geste de la tête, Peter continua de s'installer. Il s'assit en tailleur sur son lit, dos au mur, et prépara sa plume, son encre ainsi que son carnet, bien sûr.

Son garde-pages était encore tombé...

- Je rédige mon journal, dit-il d'une voix distraite en cherchant la page du jour.

Peter leva les yeux vers le petit bonhomme qui avait l'air d'adorer tant le violet.

- Et je t'interdis formellement d'en lire ne serait-ce qu'un seul mot, continua-t-il froidement.

Il lança un regard meurtrier à Sélénius, espérant bien lui faire comprendre que cette remarque lui était en fait adressée.

Tout marcha comme sur des roulettes jusqu’à l’arrivée de Peter…

Narcisse avait plein Sélénius, avait tenté de le réconforter et lu avait même proposé quelque chose à manger. Néanmoins, ce petit était une vraie girouette !

Sélénius avait parfaitement compris que la phrase de Peter lui était directement adressée mais, toujours aussi calculateur, se releva du lit, posa sa main sur l’épaule de Narcisse et dit à Peter :

« Tu ne devrais pas le rabrouer d’une telle façon, il ne t’a rien fait de mal ! »

« Etape trois, défendre le petit Narcisse pour se le mettre en poche… », pensa Sélénius.

Peter commençait à prendre ça comme un jeu...

- Je ne le rabroue pas, je ne fais que le prévenir amicalement qu'il vaudrait mieux qu'il ne touche pas à mon carnet s'il ne veut pas y laisser un membre, répondit-il du tac-au-tac.

De toute façon, quelque connerie je dirai, je n'ai absolument rien à perdre, puisque c'est lui qui veut de mon respect, se dit-il avec satisfaction.

Puis, ignorant le monde autour de lui, il commença à écrire... Pour s'arrêter deux mots plus tard.

Alors il commença à tourner des pages et des pages, pour revenir en arrière... Trois ans en arrière.

Les pages étaient rédigées à l'encre noire. L'écriture en pattes de mouche, un peu penchée vers la gauche, racontait l'histoire de Peter, depuis ses dix ans, âge auquel il avait reçu le cahier de sa mère avant d'embarquer sur le navire paternel. A certains passages, les lettres étaient presque lisibles, alors qu'à d'autre on aurait dit qu'il était extrêmement pressé de les jeter sur le papier. Par endroit il y avait de grosses taches d'encre qui cachaient quelques mots, ou des traces d'eau qui les brouillaient plutôt.

Ne sentant pas le danger venir auprès de Sélénius, Narcisse sourit quand il voulut le défendre. Il laissa néanmoins son chocolat sur la table, loin du carnet, comme s'il voulait faire comprendre à Peter qu'il ne voulait aucun mal à son journal.
-Ne t'inquiète pas, je n'y toucherai pas d'une page, déclama le petit, à regrets.
Peter l'intriguait... Il était tellement bizarre.

Il alla s'appuyer discrètement contre Sélénius, avisant sa main. La prendre ou non ? Ce serait sûrement mal vu...
Comme Peter commencait sa transcription, Narcisse se recula poliment, le laissant dans son intimité. Il avait un jour voulu tenir un journal, mais celui-ci n'avait pas fait long feu... Il y a vait d'ailleurs terminé après quatre jours.
-Je crois qu'on devrait le laisser tranquille, murmura Nana à Sélénius.
Il avait envie de jouer, mais n'osait pas le demander au jeune homme.

Décidément, Narcisse était encore plus bête qu’il n’en avait l’air mais bon, il valait mieux le garder comme ami…

Peter insupportait de plus en plus Sélénius, quand deux caractères forts se rencontrent, ça fait souvent des étincelles !

S ‘assurant qu’aucun de ses deux colocataires ne le regardaient, Sélénius enfila son pyjama bleu foncé avec ses manches très bouffantes.

Ensuite, Sélénius alla se coucher en disant, de manière presque inaudible :

« Tu ne perds rien pour attendre mon cher Peter, tu ne perds rien pour attendre… »