Migraine...

Sélénius, atteint d'une migraine horrible, était revenu aux dortoirs.

Il apprendrait l'hépatoscopie à Peter une prochaine fois. D'un autre côté, toucher des foies n'avaient jamais été une partie de plaisir pour Sélénius.

Un tel mal ne lui était encore jamais arrivé et celà l'inquiétait au plus haut point. Sélénius se coucha sur son lit et en quelques minutes s'assoupit...

[Oups ! j'avais pas vu que t'avais posté...]

Peter entra dans la chambre, une heure plus tard, et y trouva Sélénius endormi. Il ne fit aucun effort pour ne pas faire de bruit, car il lui en voulait de s'être éclipsé de la sorte tout à l'heure.

Il se laissa tomber sur son lit et tira d'en dessous de son oreiller son journal, qu'il n'avait pas eu l'occasion de compléter la veille.

° Sélénius courrait, ayant entendu un bruit sourd venant de la chambre de Mithos. Les couloirs de la grande demeure paraissaient énormes et sans fin… Quelques secondes plus tard, une scène insoutenable : Sélénius avec juste face à lui, le corps inerte de son jeune frère. Un couteau à côté du bras tailladé de Mithos, la bouche ouverte, comme si la douleur avait été au-delà de tous ses pires cauchemars. Sélénius ne criait pas, il ne le pouvait pas. Aucun son ne pouvait émerger d’un corps crispé par la terreur…°

« Non, Mithos ! », s’écria Sélénius, tout juste sorti d’un sommeil tellement profond qu’on aurait pu l’appeler comas.

Haletant, le jeune garçon vit, sur le lit d’à côté, Peter écrivant dans son journal…

« Ah, tu es là… », dit Sélénius, comme soulagé de retrouver quelqu’un de familier.

Peter ne broncha pas quand il entendit Sélénius s'époumoner "NON ! MITHOS !" comme un bovin qui pousserait son dernier meuglement d'agonie à l'abattoir.

- Moi aussi ça m'arrive de revivre mes pires souvenirs en rêves, lança-t-il pertinemment.

Il continua d'écrire...

Sélénius vient de se réveiller en criant. Il faisait certainement encore un cauchemar à propos de son frère. Parfois, la nuit, je l'entends marmonner sur ce sujet dans son sommeil.

Il passa à la ligne.

J'espère que je n'ai pas le même problème.

Relevant momentanément la tête de son journal, il trempa sa plume dans son encrier, avant de se remettre à écrire.

Sachant très bien qu’importuner Peter quand il écrivait été une chose à ne pas faire, Sélénius ne lui dit que ses quelques mots :

« Au fait, je suis désolé d’être parti si vite tout à l’heure. Pour l’hépatoscopie, c’est quand tu veux… »

Sur ce, Sélénius, toujours dans son lit, sortir de sa valise un livre sur l’Invocation qu’il adorait.

Le jeune garçon alla directement au quatrième chapitre portant sur l’invocation de nuées d’insectes.

Après quelques minutes de lecture, Sélénius posa le livre sur sa table de nuit et dit à Peter :

« Dis moi, Peter, peut-on parler aux personnes mortes grâce à la Nécromancie ? »

Avec un petit bruit de contrariété, Peter leva sa plume et arrêta d'écrire.

Il choisit ses mots soigneusement, sachant très bien pourquoi Sélénius lui avait posé une telle question, avant de répondre :

- Oui, il y a moyen... murmura-t-il, la voix rauque. Mais ça demande une énergie considérable, et une maîtrise de soi tout aussi grandiose. (Il planta ses yeux rouges dans ceux de son interlocuteur.) Mais les morts ne sont pas toujours heureux de sortir de leur bienveillant néant, et ils risquent de se montrer très peu collaborateurs...

Il se remit à écrire.

Sélénius vient de me demander s'il était possible de communiquer avec les morts... Je crois qu'il veut essayer d'entrer en contact avec son frère.

Très peu collaborateurs …

L’idée même que Mithos puisse se retourner contre Sélénius glaça le sang du « fan » de la Divination.

Sélénius prit une grande respiration et dit à Peter, d’une traite :

« Je veux le faire, je veux revoir mon frère… Je dois connaître les raisons de son suicide et pour ça, j’aurais besoin de ton aide. Je sais que c’est beaucoup te demander, mais c’est très important pour moi. Les risques encourus ne feront pas reculer…»

Peter leva à nouveau les yeux de son carnet et leva un sourcil, l'air dubitatif.

- Et pourquoi aurais-je envie de t'aider ? demanda-t-il d'un ton sceptique.

Retournant à ses notes, il attendit une réaction de Sélénius. Il n'avait pas envie de faire son petit chieur, mais il voulait faire comprendre au fan de Divination qu'il faudrait autant de patience pour apprendre la technique que pour dialogue avec lui.

Il vient de confirmer mes soupçons, clamant haut et fort qu'il veut connaître les raisons du suicide de son frère. Il ne se rend pas compte qu'il n'a pas besoin de la Nécromancie pour percer les pensées du défunt Mithos. S'il se creusait un peu la cervelle, il trouverait certainement. Mais il cherche certainement trop loin.

Je n'ai pas envie de lui apprendre cette technique. Non parce que je n'ai pas envie de le voir l'utiliser, mais bien parce qu'il me faudra plus de patience à moi qu'à lui. Je l'imagine déjà pousser des cris dégoûtés quand on devra déterrer le cadavre...

Il se rendit alors compte que Sélénius n'était peut-être pas au courant non plus, pour ça !

- Au fait... lança Peter tout en continuant d'écrire. Pour entrer en contact avec quelqu'un de l'Au-Delà, il faut un focaliseur... (Il prévit la question que poserait évidemment Monsieur Divination.) Une balise, si tu préfères.

Il arrêta d'écrire une fois de plus pour avoir le plaisir de lire l'horreur qu'éprouverait Sélénius en comprenant ses paroles.

Plus Peter parlait, plus le visage de Sélénius se crispait et, ayant entendu la dernière phrase, le faciès du jeune garçon se décomposa…

S’il y a bien une chose que Sélénius ne ferait jamais, se serait profaner la tombe de son défunt frère, il avait bien trop de respect pour celui-ci.

« Une balise… No….No…Non, ni moi ni personne ne touchera au corps de mon frère. Je préfère vivre dans l’incertitude que d’aller rechercher le corps inerte de Mithos ! C'était une mauvaise idée...»

- Pas tellement... C'est tout à fait compréhensible d'avoir cette idée à un moment ou à un autre, quand on a perdu quelqu'un à qui on tenait beaucoup... voulut le rassurer Peter.

Il était satisfait : il avait réussi à sortir cette fâcheuse idée de la petite tête de ce borné de Sélénius. Maintenant, il ne voyait plus de raison d'être trop odieux avec lui. Du moins pour aujourd'hui...

Il se remit, pour la énième fois de la journée, à écrire.

Malgré ses airs de grand hypocrite, Sélénius a un cœur aussi pur que du cristal... Et aussi fragile.

- Il faut éviter de se ressasser sans cesse les horreurs du passé, ajouta-t-il, même s'il avait l'habitude de faire le contraire.

Sinon c'est la folie... pensa-t-il avec amertume.

« Tu as raison… »

Pour une des premières fois de son existence, Sélénius avait trouvé quelqu’un qui semblait le comprendre. Peut-être que finalement, Sélénius et Peter allait devenir de bons amis. Bien décidé à enfin laisser Peter écrire à son aise, Sélénius se rapprocha de son lit, commença à plier ses vêtements et à les ranger dans son armoire.

Les minutes passèrent les unes après les autres, sans que la pile de vêtement ne semble diminuer. Sélénius lâcha un Ouf de soulagement après avoir terminé sa besogne…

Après avoir achevé de coucher sa journée sur papier, Peter, comme à son habitude, après avoir rangé son matériel d'écriture, ouvrit une page au hasard de son journal et la lut.

Ca fait déjà plus de trois mois que nous sommes en mer. Mes journée sont tellement chargées de moult corvées inutiles que je ne vois pas les jours passer. Aujourd'hui, j'ai remarqué chez certains marins ces signes qui ne trompent pas : quelques dents qui tombaient sans raison, une haleine encore plus fétide qu'à l'accoutumée, un teint pâle, ... Au moindre refroidissement, je le savais, la moitié de l'équipage risquait de voir ses effectifs jetés à la mer. J'allai en parler un peu avec le médecin du navire, le seul homme qui semblait me comprendre et ne guère me mépriser sur ce fichu vaisseau. Il confirma mes soupçons d'un seul mot : "scorbut".

Poussant un profond soupir de nostalgie, Peter referma son journal d'un coup sec.

Peter referma son carnet, ils avaient fini d’écrire…

Sélénius fouilla dans une valise qui de prime abord n’avait pas l’air très grande mais qui en fait pouvait renfermer une bonne partie du bric à brac du fan de la Divination.

Après quelques secondes de recherche, le jeune garçon tomba enfin sur un livre qui, selon lui, était digne d’intérêt.

Il tourna les pages jusqu’au deux tiers du bouquin et s’arrêta au chapitre sur la création d’orbes aveuglantes…

Intéressants…

« Dis-moi, Peter, qu’est-ce qui t’as fait choisir la maison Noire ? »

Peter ne répondit pas tout de suite, comme à sa fâcheuse habitude.

- Au départ, j'étais dans la Rouge... dit-il énigmatiquement, sans ajouter de détails. Mais par la suite j'ai préféré changer.

Il murmura quelques mots en faisant des gestes étranges au dessus de son journal, puis glissa ce dernier sous son oreiller.

Il décida d'en raconter un peu plus, craignant un peu d'énerver Sélénius en n'en disant pas assez :

- La science des boucliers ne m'intéressait pas vraiment, mis à part pour protéger mon journal des curieux, ajouta-t-il en regardant Monsieur Divination droit dans les yeux, comme s'il s'agissait d'un avertissement.

Je préfère vivre ma vie en prenant des risques plutôt qu'en étant trop prudent et me cachant derrière un bouclier, pensa-t-il.

Sélénius aimait apprendre a connaître Peter car celui n’était pas vraiment des plus bavards…

Pendant que son interlocuteur justifiait ses choix de maisons, le fan de la Divination se sentit à nouveau très mal.

Cette horrible migraine le reprit, son teint déjà d’ordinaire très pâle devint bientôt cadavérique, il suait à grosses gouttes, sa vision se troublait…

Néanmoins, Sélénius ne voulait pas montrer un signe de faiblesse apparent et continua :

« Intéressant, moi j’ai choisi la maison noire c..ca…car on m’a toujours apprit que la meilleure défense reste encore l’attaque. »

Sélénius eut du mal à finir sa phrase mais il prit sur lui, espérant que Peter ne remarquerait pas son état…

Peter remarqua vite que son... "ami" avait un problème. Sélénius était devenu pâle comme un linge, et semblait au bord de l'évanouissement.

Peter se leva et se dirigea, non vers Monsieur Divination, comme on aurait pu s'y attendre, mais bien vers le coin de Narcisse. Une fois arrivé devant sa table de nuit, il prit quelques chocolats, les rares qui avaient échappé à la gloutonnerie de leur propriétaire, et vint enfin auprès de Sélénius pour les lui proposer.

- Mange ça, dit-il simplement en lui mettant une barre sous le nez.

Se rappelant de tout ce qu'il avait appris auprès du Dr Walter en mer, il essaya de deviner quel mal avait frappé son cher camarade de chambrée. Hélas pour lui -ou heureusement peut-être ?-, les symptômes pouvaient correspondre à des dizaines de maladies différentes, et il abandonna son idée morbide.

Si jamais il meurt, j'espère que l'école me laissera son corps... pensa Peter.

C’était raté, Peter avait remarqué l’immanquable …

Sélénius le remercia, croqua a pleine dent dans la barre de chocolat et dit à Peter :

« C’est dans ces cas-là qu’on est content d’avoir un colocataire comme Narcisse… » Il aurait voulu utiliser un ton ironique mais le peu de forces qui lui restaient ne le lui permirent pas.

Bizarrement, Sélénius commençait à éprouver une vraie sympathie envers Peter ce sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis longtemps le troubla un peu… Son éternel froideur serrait-elle en train de fondre comme neige au soleil ?

« Sa m’arrive de temps en temps, il faudrait que je mange un peu plus », dit Sélénius, ayant retrouvé le sourire.

- Peut-être... lâcha Peter sans réellement faire attention.

Il avait replongé dans ses pensées, et s'assit sans douceur sur le lit de Sélénius, s'abandonnant à un de ces moments pendant lesquels il ne se rendait plus vraiment compte de ce qui se passait autour de lui. Quelques instants de flash-back, détestables souvenirs d'une enfance gâchée par les rudesses de l'époque.

Secouant la tête comme pour chasser ces mémoires telles des mouches dérangeantes, il essaya de se concentrer sur le présent. Cassant un des morceaux de chocolat qu'il tenait encore en main, il en mangea le bout le plus petit, le mettant entièrement dans sa bouche, et essayant de se raccrocher à ce fameux goût sucré.

Alors que l'atmoshpère de la chambre était plus calme que jamais, des pas de course se firent entendre dans les couloirs. Ils se rapprochaient d eplus en plus pour s'arrêter brusquement. On entendit une porte s'ouvrir, un hurlement aigu, un "pardon je me suis trompé" et enfin, un claquement de porte.
C'est confus que Narcisse entra dans sa vraie chambre. Il venait de faire une mauvaise surprise à leurs voisins en entrant ainsi quand l'autre s'apprêtait à prendre son bain. Tout rouge, le garçon traversa la chambre en baissant les yeux sur le sol, dans une attitude qui ne lui était pas naturelle du tout.
Ce ne fut que lorsqu'il se fut glissé dans son lit et qu'il eut serré son oreiller contre son torse qu'il leva les yeux vers ses amis.
-Oh... Sélénius, ça ne va pas ?

Sélénius entendit la porte s’ouvrir et aperçut la petite chose mauve que deux pauvres bougres avaient eu le mauvais goût d’appeler Narcisse et dit :

« Ah, te voilà ! Non, j’ai juste eu un petit malaise mais c’est passé… »

Sélénius passa sa main dans ses cheveux noirs de jais et croqua à nouveau dans sa barre de chocolat.

« Dites, vous deux, il y a des sorts bien précis que vous aimez lancé ? »

Pourquoi donc cette question ? se demanda Peter, cherchant à savoir si ça avait un rapport avec l'arrivée dernière du petit Narcisse. Néanmoins, il oublia vite son intrigue et changea soudain d'humeur.

- Tous ceux qui son interdits ! lança-t-il néanmoins en rigolant, sur le ton de la plaisanterie.

Même si ce n'était pas tellement une blague...

Peter s'amusa ensuite à essayer de deviner l'expression de ses camarades s'ils découvraient quel sort il étudiait depuis quelques années. Oh, mais s'ils savaient un jour... Il faudrait que je m'arrange pour qu'ils ne puissent le dire à personne.

Narcisse écouta joyeusement, toute confusion disparue. Il était ravi d'entendre Peter et Sélénius se parler naturellement, ils finiraient sans doute par devenir de très bons amis, tous les trois ! Ce serait une belle bande...
Le petit garçon émit son habituel petit rire cristallin en suivant son camarade comme exemple et répondit à son tour à Sélénius:
-Moi, j'aime beaucoup les sortilèges d'Illusion; c'est trop marrant de voir la réaction de l'autre !
Tout sourire, il se releva et attrappa lui aussi une sucrerie: une chique à la fraise qu'il coupa difficilement en tirant de ses dents. Mâchonnant, son regard passait tour à tour sur ses compagnons.
-Et toi ? C'est quoi, ton préféré ?

Sélénius écouta attentivement les réponses de ses compagnons de chambrée : Peter aimait les sorts interdits comme il disait si bien et Narcisse les sorts d’illusion…

Finalement, ses deux « colocataires » lui semblaient de plus en plus sympathiques. Il pouvait parler normalement à Peter, sans peser tous ses mots et commençait à supporter le très maniéré Narcisse.

Heureux que celui-ci lui retourne la question, Sélénius répondit, tout sourire :

« Alors moi, comme vous le savez, j’aime la Divination mais ce que vous ne savez peut-être pas c’est que j’adore les Invocations … »

Après cette réponse tout ce qu’il y a de plus vraie, Sélénius mordit dans sa barre de chocolat.

Au terme "Divination", Peter ne put s'empêcher un petit toussotement dédaigneux.

Il écouta vaguement le reste de la phrase de Sélénius, et remarqua sans vraiment l'avoir voulu qu'il y avait un changement dans sa manière de parler depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Comme si l'hypocrite avait laissé sa place à un honnête jeune homme.

N'empêche, on dirait qu'il nous pose des questions pour avoir l'honneur d'y répondre lui-même... releva Peter.

- L'Invocation est une des sciences magiques les plus dangereuses, souligna-t-il.